L’Afrique devient de plus en plus intégrée au système financier et économique mondial. La Banque Africaine de Développement (BAD) estime que les flux de portefeuilles vers l’Afrique ont presque été multipliés par quatre entre 2005 et 2014, passant de 6,3 milliards de Dollar à 23,9 milliards de Dollar en 2014 (BAD, 2014). Par ailleurs, les transferts de fonds des émigrés vers le continent ont connu une croissance remarquable, passant en vingt ans de 2,5 milliards de Dollar à 31 milliards de Dollar en 2012.
Dès lors, comprendre le rôle de la notation financière dans la perspective de développement des marchés financiers africains s’avère crucial.
La notation financière: quel impact sur le développement des marchés financiers africains ?
Pour mieux comprendre l’importance de la notation financière dans le développement des marchés financiers africains, il faut se pencher sur sa fonction.
La notation financière est une technique permettant de mesurer la solvabilité et la volonté d’un emprunteur à faire face à ses obligations financières à court et/ou long terme.
Les notes attribuées à un emprunteur sont des opinions sur la probabilité relative de défaut de paiement de sa dette. En d’autres termes, on évalue le risque que ses dettes (capital et intérêts) ne soient pas payées dans leur intégralité à l’échéance.
Les notes jouent un rôle important pour les entités notées. Comme l’a souligné le Fond Monétaire International (FMI), elles « permettent aux emprunteurs d’accéder aux marchés mondiaux et nationaux et d’attirer les fonds d’investissement, ajoutant ainsi de la liquidité sur les marchés qui, autrement, ne seraient pas liquides » ( FMI, 2010). Les notes permettent aux entreprises et aux gouvernements de lever des fonds directement sur les marchés de capitaux en émettant de la dette, au lieu d’emprunter auprès d’une banque ou d’un bailleur de fonds.
Trois (03) grandes fonctions nous aident à mieux comprendre le rôle majeur de la notation financière dans le développement des marchés financiers africains.
1- Les notes facilitent l’émission de la dette par les entités notées
Les notes peuvent être d’une importance capitale pour l’Afrique où, dans de nombreux pays, le secteur bancaire est sous-développé et les services bancaires demeurent encore largement peu utilisés.
Sur le continent, les banques sont souvent réticentes ou ne sont pas en mesure de prêter. Cette situation s’explique notamment par les difficultés liées à l’exécution des contrats du fait de systèmes judiciaires faibles, à un manque de bureau sur le crédit pour partager des informations sur la solvabilité des emprunteurs potentiels et à un manque de plans d’affaires économiquement viables présentés par les emprunteurs. Compte tenu de ce contexte de resserrement du crédit bancaire combiné au faible taux de bancarisation, les notes peuvent aider les gros emprunteurs privés et les emprunteurs souverains à attirer un nombre plus important de prêteurs en facilitant l’émission et l’achat d’obligations par la disponibilité d’une information indépendante sur leur solvabilité.
D’ailleurs, le Programme des Nations Unies pour le Développement ( PNUD) a reconnu l’importance de la notation financière pour les gouvernements africains pour la diversification de leurs sources de financement dans le but d’accroître les investissements dans les secteurs qui soutiennent la croissance et aident à réduire la pauvreté. En 2003, le PNUD a accompagné plusieurs gouvernements africains pour l’obtention de leurs premières notes de crédit.
2 – Les notes fournissent une référence pour l’évaluation du risque que présente les économies
Une autre fonction utile des notes souveraines est en particulier leur capacité à servir de point de repère pour les émetteurs non-souverains dans leur émission de titres de dette et pour les investisseurs dans leur projet d’investissement.
Les notes souveraines servent avant tout à informer les Etats notés sur les forces et faiblesses de leur qualité de crédit. La connaissance des facteurs indispensables à une bonne notation financière est importante pour les gouvernements. Ces facteurs concernent l’existence d’institutions solides et une gouvernance efficace, les niveaux élevés de richesses, les revenus et la croissance économique, les positions extérieures solides et résilientes, les soldes budgétaires modestes, l’encours modéré de la dette publique et une politique monétaire efficace et crédible. Une fois notés, les Etats peuvent déduire des évaluations des agences de notation leur propre opinion sur l’état d’avancement dans ces domaines importants.
Une note souveraine peut également servir de référence à toute l’économie. Les notes des entreprises ne dépassant rarement les notes souveraines des Etats dans lesquels elles sont établies. La note souveraine d’un Etat peut ainsi constituer le plafond de celles attribuées aux entreprises basées dans cet État.
Les investisseurs peuvent baser leurs évaluations du risque pays sur l’appréciation des facteurs justificatifs d’une note souveraine lors de leur prise de décision d’investissement dans des secteurs ou des entreprises particulières.
3 – Les notes permettent de réduire l’asymétrie d’information entre les investisseurs et les émetteurs de dette
En fournissant de l’information et des analyses de solvabilité sur une base comptable, la notation financière facilite l’accès des émetteurs au marché financier. Cette fonction de la notation peut être d’un intérêt majeur en Afrique, où l’information et la recherche sur de nombreux pays et entités restent relativement limitées.
Dans de nombreux cas, les données récentes sur les comptes économiques de la nation, la situation de la dette publique ou les dernières déclarations de politique par les ministères ne sont pas directement accessibles sur les sites Internet de l’administration publique des Etats africains ou des tiers. L’accès aux rapports annuels ou aux plans d’investissement des entreprises africaines peut être également difficile. Avec la collecte des données indispensable à tout processus de notation financière, les agences de notation peuvent faciliter la diffusion d’une information qui, autrement, était difficile d’accès.
En plus des notes, les agences de notation publient des rapports détaillés qui contiennent des données et des analyses quantitatives et qualitatives. La diffusion de ces analyses et de ces informations auprès du public démontre la volonté des émetteurs notés à faire preuve de transparence en autorisant une évaluation externe indépendante de leur solvabilité. Le fait de mettre à la disposition du marché des opinions crédibles et indépendantes sur les risques liés aux obligations souveraines permet de rassurer les investisseurs. L’identification et l’évaluation du risque de crédit aident les investisseurs à prendre une décision d’investissement éclairée et réclamer un niveau de rendement approprié sur leur capital pour des investissements risqués, au lieu de se tenir à l’écart de tels investissements par manque d’information.
Avec l’augmentation des flux financiers et commerciaux entre l’Afrique et le reste du monde, le continent est devenu un acteur de plus en plus important dans le système économique et financier mondial, et la notation financière a contribué à ce progrès.
En dépit de ce progrès, de nombreux défis restent à relever. Plusieurs indicateurs révèlent que les systèmes financiers de la plupart des pays africains demeurent peu développés. Par ailleurs, tous les Etats africains de même que la majorité des entreprises africaines ne sont pas encore notés et n’ont donc pas accès aux marchés financiers mondiaux et nationaux.
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